Caroline Toupin, Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA)
Marie-Andrée Painchaud-Mathieu, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)
Annie Savage, Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)
25 juin 2020 – Cette semaine, la lettre de M. Sam Watts, de Mission Bon Accueil, publiée le 22 juin, portant sur le financement des organismes communautaires, a suscité beaucoup de grognes dans le mouvement communautaire. Bien qu’il s’agisse d’un organisme en itinérance situé à Montréal, les propos touchent l’ensemble des organismes d’action communautaire de toutes les régions. C’est pourquoi nous unissons nos voix afin de rappeler l’importance du rôle de l’État dans le filet social et communautaire.
D’entrée de jeu, nous tenons à mentionner que le financement à la mission des organismes communautaires n’est pas arrivé « faute de pouvoir compter sur un réseau philanthropique », mais bien en raison d’un choix de société, celui d’impliquer les gens de la communauté dans la résolution des problèmes sociaux. Le mouvement communautaire constitue aujourd’hui l’une des formes de participation citoyenne la plus importante, la mieux organisée et la plus engagée envers la justice sociale au Québec. Voilà le cœur et l’ADN des organismes communautaires.
Pourtant, les vieux préjugés persistent selon lesquels les petits organismes ne seraient pas efficaces. Cette vision strictement utilitaire et entrepreneuriale démontre une méconnaissance du rôle qu’ils jouent dans la société. Les groupes ne sont pas des sous-traitants de l’État, mais bien des lieux de reprise de pouvoir pour les personnes exclues et défavorisées, d’intégration sociale, d’implication, d’appartenance et de militance. Leur mission n’est ni charitable ni humanitaire. Les groupes, grands et petits, portent et amplifient les voix des personnes en situation de défavorisation. Ces voix sont multiples et les réalités, complexes. Leur approche est globale et prend en compte l’ensemble des déterminants sociaux qui créent des discriminations. L’action communautaire autonome est un maillon essentiel du filet, un projet de société, un atout indispensable à l’atteinte d’une société plus juste.
La proximité des groupes avec leurs membres permet une grande adaptabilité et une grande adéquation avec les besoins spécifiques de leur milieu. D’ailleurs, la pandémie démontre à quel point les groupes se sont rapidement mobilisés, assurant un soutien souvent vital pour des personnes dont le niveau de détresse a explosé. Parce qu’ils avaient établi des liens humains forts avec eux, ils ont maintenu un filet de sécurité essentiel, évitant que la crise sanitaire ne dégénère en crise sociale et humaine encore plus soutenue.
Ce qui nous permet de faire preuve d’autant d’innovation et d’adaptabilité c’est le fait d’être financé à la mission globale par l’État depuis plus de 20 ans. Notre modèle est unique au monde et suscite beaucoup d’intérêt dans plusieurs provinces et pays. D’ailleurs, la lecture de la centaine de mémoires issus de la consultation du ministre Jean Boulet pour le futur plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire nous démontre que tous les acteurs en lien avec le communautaire, que ce soit les organismes eux-mêmes, les acteurs philanthropiques ou encore municipaux, s’entendent sur une chose : l’importance du financement à la mission des organismes communautaires et la responsabilité de l’État à cet égard.
Plus que des prestataires de services, le communautaire est une locomotive qui tire notre société vers une plus grande justice sociale en mettant sur pied des modèles sociaux inédits et des solutions originales adaptées aux besoins exprimés par les populations. Il n’est pas ici question d’efficience, mais bien de création de liens sociaux, de participation citoyenne, de défense collective des droits, de transformation sociale, de solidarité et de dignité humaine. À ce titre, nous croyons que la diversité des approches mérite d’être encouragée. Financer les grands groupes, comme les organismes de proximité, participe à l’aplanissement des inégalités sociales et à la construction d’une société diversifiée, plurielle et inclusive.