Projet de loi no 103 : une source d’inquiétude pour l’offre de soins, la prévention de surdoses et la capacité de sauver des vies – Communiqué conjoint

(MONTRÉAL), le 8 mai 2025 – MONTRÉAL, le 8 mai 2025 – Médecins du Monde, l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ), ainsi que 23 autres membres d’une coalition d’organismes œuvrant en réduction des risques et des méfaits, expriment leurs préoccupations à l’égard du projet de loi no 103 déposé le 6 mai par le ministre québécois responsable des Services sociaux, Lionel Carmant. Présenté comme un outil de cohabitation harmonieuse, ce projet de loi risque de freiner l’accès aux services essentiels pour les personnes qui consomment des drogues et/ou sont en situation d’itinérance. Sa mise en œuvre pourrait mener vers un recul dangereux des services de soins et de soutien dans un contexte de crise des surdoses et de l’itinérance.

Le projet de loi no 103, qui vise à encadrer les services de consommation supervisée (SCS), introduit une procédure d’autorisation lourde, centralisée et discrétionnaire qui risque de limiter considérablement les services existants et l’ouverture de nouveaux centres. Cette démarche pourrait augmenter excessivement la charge administrative des organismes, déjà mobilisés en première ligne avec très peu de ressources pour prévenir les surdoses, offrir des soins et sauver des vies. De plus, le projet de loi ne prévoit aucune mesure d’accompagnement pour les organismes qui seraient contraints de se relocaliser en raison des nouvelles restrictions, ce qui pourrait fragiliser davantage la stabilité de services de santé sous forte pression.


Une crise de santé publique à multiples facettes

Soulignons que le Québec traverse une crise de santé publique sans précédent, marquée par une multiplication des surdoses mortelles, une augmentation du nombre de personnes en situation d’itinérance et une détresse croissante en santé mentale, auxquels s’ajoute une crise du logement qui prive de nombreuses personnes de conditions de vie dignes et stables. Au Québec, entre 2018 et 2022, le nombre de personnes en situation d’itinérance a bondi de 44 %. Au cours de la dernière année, le nombre de décès reliés à une intoxication suspectée aux opioïdes ou autres drogues a augmenté de 33 %, soit une moyenne de 54 décès par mois.

En matière de politiques relatives aux drogues, le projet de loi no 103, tel que proposé, fait fi des orientations en santé publique que soutiennent les organisations onusiennes telles que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), en plus de celles soutenues par d’autres organisations internationales, dont la Commission globale de politique en matière de drogues (GCDP), l’association Harm Reduction International (HRI) et la Coalition internationale sur les politiques des drogues (CIPD).


Le rôle essentiel des centres supervisés
« Les centres de consommation supervisée sont avant tout des services de santé, a souligné Pénélope Boudreault, directrice des opérations nationales et infirmière à Médecins du Monde. Des professionnels s’occupent également de soigner des problèmes de santé physique ou mentale et offrent du soutien psychosocial, le tout dans un environnement encadré, sécuritaire et respectueux. Chaque jour, notre équipe en est témoin : de tels centres sauvent des vies, réduisent les risques et les méfaits, et créent des liens essentiels avec des personnes qui n’ont pas d’autre porte d’entrée vers le système de santé. »


« Ce projet de loi prétend instaurer une trajectoire de services cliniques en un continuum de soins, mais celle-ci n’existe pas, d’autant plus que le réseau est saturé et les références sont extrêmement difficiles, a déclaré Sandhia Vadlamudy, directrice générale de l’Association des intervenants en dépendance du Québec. Les services de consommation supervisée sont souvent le seul espace sécuritaire et accessible pour des personnes laissées en situation de vulnérabilité. »


En outre, ces services de santé contribuent à la sécurité publique en soutenant les personnes qui consomment, en réduisant la consommation visible dans l’espace public et en évitant des surdoses.


Élargir les services, non les restreindre
Le projet de loi no103 donne aussi au ministre le pouvoir, par simple règlement, d’imposer un
processus d’autorisation aux lieux qui accueillent principalement des personnes en situation d’itinérance. Cela crée de l’incertitude juridique et économique pour les organismes qui travaillent avec ces populations. En raison du contexte d’urgence dans lequel le Québec se trouve en matière de santé publique, il est important de veiller à ce que le projet de loi no 103 n’ait pas pour effet de limiter l’accès à des ressources essentielles pour les personnes les plus précarisées, ce qui poserait un risque d’accentuation des inégalités sociales et des défis liés à la santé.


Plutôt que de restreindre des dispositifs qui sauvent des vies, il est urgent d’élargir l’offre de services de proximité et de soutenir les interventions qui répondent concrètement aux besoins des populations les plus précaires. Il est essentiel que ces personnes, déjà marginalisées, ne soient pas davantage exclues des services de santé, de soutien et d’accompagnement qui contribuent à améliorer leur vie et permettent une meilleure cohabitation et contribution sociale. Les membres de la coalition analyseront en profondeur les dispositions du projet de loi afin de bien en comprendre les conséquences et les impacts sur les personnes visées. Elles entendent participer aux consultations particulières portant sur le projet de loi no 103 et appellent le ministre responsable des Services sociaux à leur étendre une invitation.

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Liste complète des signataires du communiqué:

L’Anonyme

Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)

Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID)

Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ)

Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues (AQPSUD)

Bureau régional d’Action sida Outaouais (BRAS Outaouais)

CACTUS Montréal

Centre d’intervention et de prévention en toxicomanie de l’Outaouais (CIPTO)

Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA)

Collectif régional de lutte à l’itinérance en Outaouais (CRIO)

Coopérative de solidarité SABSA

Dopamine

Maison Benoît Labre

Médecins du Monde Canada

PACT de rue

Point de Rue

Regroupement des Auberges du coeur du Québec

Regroupement des organismes communautaires pour le travail de rue (ROCQTR)

Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)

Service de travail de rue de Chicoutimi

Sydalis

Spectre de rue

Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le sida (TOMS)

Tandem Mauricie

Revue de presse

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