L’organisme Dopamine œuvre dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve depuis plus de 30 ans avec la mission de prévenir les infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS) avec une approche de réduction des méfaits. Tous les jours, l’équipe accueille des personnes pouvant consommer des drogues, pratiquer le travail du sexe, être en situation d’itinérance et/ou de rupture sociale, ou encore vivre avec une ITSS ou être à risque d’en contracter une. Au fil des ans, Dopamine, qui se concentrait au départ sur la distribution de matériel de consommation sécuritaire, s’est vu ajouter des services et des programmes pour encore mieux répondre aux besoins des personnes. Notamment, une salle de consommation supervisée (SCS) a été ouverte au site fixe de la rue Ontario en 2017. Puis, en 2019, Dopamine lancera Dopamed dans les locaux du centre de jour, une clinique médicale communautaire unique en son genre au Québec.
Pour en arriver à créer sa clinique communautaire, Dopamine a préalablement travaillé pendant dix ans sur deux projets. Pour commencer, Les Dopallié·es visaient à mobiliser les personnes à adopter et à promouvoir des comportements sécuritaires en vue de prévenir la transmission de l’infection du VIH/sida ou de l’hépatite C via des séances d’échange et d’information. L’approche éducative de ce projet a eu un impact direct dans la communauté : les gens souhaitaient enfin entamer un traitement. Cependant, iels restaient confrontées à une barrière structurelle : un système de santé non adapté à leur situation de vie. C’est pourquoi, en partenariat avec le Centre Associatif Polyvalent d’Aide Hépatite C (CAPAHC) et la Clinique Médicale Urbaine du Quartier Latin, Dopamine crée le projet Lotus. Ainsi, via un accompagnement personnalisé, les participant·es bénéficient d’un accès à un traitement et évitent la réinfection. Néanmoins, certaines barrières culturelles demeurent et les participant·es continuent de se heurter à un système infantilisant qui ne s’adapte pas facilement aux fonctionnements des personnes qui consomment des drogues.
Les fondements
La clinique Dopamed est donc fondée en ayant comme objectifs de proposer une santé communautaire et alternative. Il paraît important d’offrir des services médicaux adaptés aux réalités vécues par les personnes qui fréquentent l’organisme. Pour elles qui sont souvent en rupture avec le système de santé, il est primordial de permettre une expérience médicale positive via la clinique. Pour ce faire, des services différents et adaptés sont offerts à chacun·es des patient·es de la clinique.
Pour y arriver, il est fondamental que les personnes soient au centre de tout plan d’intervention et d’action en lien avec leur santé. Pour rendre l’expérience la plus agréable possible, la clinique mise sur une écoute active et un accueil chaleureux. Cet accueil est d’ailleurs pris en charge par des pairs qui utilisent leur savoir expérientiel pour que les personnes qui consultent la clinique se sentent comprises et en confiance dès leur arrivée pour leur rendez-vous. Le but ultime est certes d’offrir des soins de santé à des personnes qui se retrouvent marginalisées au sein de notre communauté, mais surtout de leur proposer un encadrement médical favorisant une reprise de pouvoir sur leurs propres enjeux de santé mentale et physique.
Il est évident qu’un des facteurs du succès de Dopamed est la proximité avec la communauté. En effet, les personnes ont déjà un fort lien d’attachement avec l’organisme ; les pairs et les intervenant·es sont en première ligne avec ces personnes, ce qui facilite d’entrée de jeu le lien de confiance porté envers la clinique et ses différents acteur·trices. L’équipe de Dopamed est actuellement composée de pairs, de trois médecins de famille, d’une infirmière clinicienne, d’un médecin psychiatre et de l’équipe d’intervenant·es de l’organisme. Les réflexions et décisions se font en toute collégialité entre tous les membres de l’équipe de Dopamed.
La suite
Au fil des ans, la clinique n’a cessé de s’adapter aux nouvelles réalités du milieu et aux besoins des personnes qu’elle dessert. Pour cela, l’offre de soins médicaux est constamment en évolution. En plus des consultations en médecine familiale, l’arrivée de l’infirmière clinicienne permet maintenant d’offrir des dépistages, de la vaccination et des consultations spontanées. Une autre bonification importante a été l’implantation du volet de médecine psychiatrique, d’autant plus qu’il est offert à toutes les personnes fréquentant l’organisme. Il est d’ailleurs souhaité d’organiser des ateliers/discussions de groupe afin de démystifier cette pratique.
Après cinq ans d’existence et 350 patient·es suivi·es actuellement, il paraît évident que la clinique Dopamed a réussi à atteindre les objectifs qui avaient été établis au départ de ce projet. Cela étant dit, même si la demande est là et que la clinique n’est toujours ouverte qu’une seule journée par semaine, l’idée n’est pas de simplement prendre de l’expansion. Cela irait contre la philosophie initiale du projet. Pour Dopamine, l’évolution de Dopamed passe par des réflexions et des questionnements en continu, un besoin de constamment innover, de ne pas s’arrêter aux normes et pratiques habituelles en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs et en repoussant les limites d’un système souvent déconnecté du milieu. Surtout, c’est de continuer à faire les choses autrement en écoutant et en mettant au centre de toute décision la population pour qui cette clinique existe.
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