Le 2 mars dernier, Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance de la Ville de Montréal, publiait sa lettre ouverte Mettre en place les mesures nécessaires dans le journal La Presse. Il y met en lumière la situation critique en itinérance ainsi que les nombreux besoins non répondus. Cette prise de parole quasi inédite de la part du commissaire réaffirme bien le sérieux de la situation à Montréal que le communautaire dénonce depuis des années. Aux premières loges de la dégradation de la situation, le RAPSIM et ses membres ont déjà sonné l’alarme à de nombreuses reprises sur l’importance de passer à l’action. Nous voilà soulagés d’enfin voir le commissaire joindre sa voix à la nôtre publiquement et nous espérons que nos premiers ministres, provincial et fédéral, reconnaîtront l’urgence d’agir et passeront finalement à l’action.
Dans sa lettre, Serge Lareault appelle tous les acteurs en itinérance, dont les différents paliers gouvernementaux, à travailler de façon coordonnée dans la lutte à l’itinérance. Nous tenons à partager notre vision des besoins en ce sens. Il est vrai qu’à Montréal, il existe une gouverne en itinérance qui rassemble un grand nombre d’acteurs. Cette instance existe depuis plusieurs années et est un lieu de concertation où sont nommés les besoins et les enjeux en itinérance, ainsi que des pistes de solutions. Toutefois, force est de constater que cela ne suffit pas. Cet espace, bien qu’important, comporte de grandes limites : nous n’avons pas les moyens au niveau régional pour agir là où c’est le plus urgent. Le problème n’est pas que les besoins ne sont pas connus ou qu’aucune piste de solution n’existe : il réside dans le manque clair de volonté politique. En ce sens, le RAPSIM salue la sortie du commissaire. Il est nécessaire que les différents ministères et paliers gouvernementaux communiquent entre eux et tiennent compte des savoirs terrain pour mettre en œuvre les solutions nécessaires, plutôt que de se renvoyer la balle constamment.
L’itinérance est un phénomène complexe et multisectoriel. Or nos gouvernements fonctionnent en silos et ne réussissent pas à faire preuve de l’agilité et la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins. À titre d’exemple, un organisme qui veut développer du logement avec soutien communautaire pour des femmes en situation d’itinérance doit actuellement mobiliser le ministère de l’Habitation, de la Santé (Itinérance et Direction régionale de la santé publique), et de la Condition féminine au niveau provincial, le ministère du Logement, de la Diversité et de l’Inclusion au niveau fédéral ainsi que la Ville de Montréal et de ses arrondissements. Comme ces instances ne s’organisent pas entre elles, les groupes se butent à une complexité bureaucratique sans fin. « La DRSP ne s’implique pas dans l’habitation », « Cela ne relève pas de l’Habitation, mais de la Santé » « Ce type d’accompagnement est trop intensif pour être financé par le Soutien communautaire en logement social et communautaire » …. Les organismes sont continuellement confrontés aux 12 travaux d’Astérix. Lorsque l’on parle de travailler de façon coordonnée, c’est surtout cela qu’il faut changer. Pour développer des projets qui répondent aux besoins en itinérance, il faut des financements arrimés, adaptés et suffisants, tant en logement qu’en hébergement.
Pour finir, M. Lareault nomme bien les besoins auxquels il faut répondre pour « réduire l’itinérance et l’urgence qui y est associée ». Toutefois, un aspect incontournable est à garder en tête : agir en prévention, en amont. Il est primordial d’agir sur les facteurs systémiques qui contribuent à l’itinérance. En renforçant le filet social, on évite ainsi que plus de personnes déboulent vers un parcours en itinérance. Il faut que les gouvernements s’activent à cet effet. Les réponses d’urgence sont et seront toujours nécessaires, la prévention doit aussi être essentielle.