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Le 8 mars n’est pas une deuxième saint-valentin

Le 8 mars est la journée internationale des droits des femmes. Cette journée s’ancre dans une longue histoire de luttes, passées et actuelles, pour les droits des femmes. Aujourd’hui est l’occasion de faire le bilan des acquis et des luttes à mener. Dans cette perspective, le réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) désire mettre en lumière les réalités des femmes en situation d’itinérance.

Les femmes en situation d’itinérance vivent une plus grande négation de leurs droits. Le fait que les oppressions se multiplient (femme, pauvreté, sans logement, statut migratoire, couleur de peau, travail criminalisé, etc.) accentuent davantage leur précarisation. L’intersectionnalité de ces oppressions vécues se traduisent notamment, mais pas seulement, par un manque de pouvoir et d’influence au sein de la société. De ce fait, les femmes en situation d’itinérance et celles qui se battent pour défendre leurs droits sont rarement entendues par les différentes instances décisionnelles. 

L’itinérance des femmes est moins connue, car souvent moins visible. L’occupation de l’espace public comporte plus de dangers pour les femmes et nous constatons qu’elles utilisent toutes sortes de stratégies afin d’éviter la rue, ou de fréquenter des refuges mixtes. Parmi ces stratégies : trouver hébergement chez des inconnus, rester dans un logement insalubre ou avec un propriétaire violent, dormir dans sa voiture, errer ou se réfugier dans un café 24h toute la nuit, etc. Toutefois, celles-ci ne garantissent malheureusement pas leur sécurité. 

Le manque de services adaptés aux besoins et aux réalités des femmes en itinérance (non-mixte et à haut seuil d’accessibilité) est flagrant à Montréal. En 2019, 7 ressources en itinérance des femmes ont compilé plus 35 000 refus par manque de place (Partenariat pour la prévention et la lutte à l’itinérance des femmes., 2019). Bien que les hébergements d’urgence mixtes accueil les femmes et les personnes trans, plusieurs évitent à tout prix ces endroits parce qu’ils leur sont hostiles (présence de leur agresseur, risque de vivre de la violence physique et sexuelle, etc.) et ont souvent des restrictions qui les rendent complètement inadaptés aux besoins de ces personnes. Les mesures d’urgences déployées au printemps 2020 en réponse à la COVID et ceux développés dans le cadre des mesures hivernales sont de malheureux exemples. De telles mégastructures mixtes ne répondent pas aux besoins des femmes, notamment au besoin de sécurité. Cette situation, déjà alarmante, l’est encore plus alors qu’on sait que la pandémie a des effets disproportionnés sur les femmes, qu’elles sont plus touchées par les conséquences économiques et que la violence à leur endroit a drastiquement augmenté.

Ce tour d’horizon est bien trop bref pour rendre compte de toutes les réalités et enjeux spécifiques aux femmes en situation d’itinérance, mais mais ceux-ci ont été rapportés dans différents textes disponibles facilement. Les spécificités de l’itinérance des femmes ont davantage été sous les projecteurs dans les dernières années. Malgré cela et malgré le fait que plusieurs instances décisionnelles nous indiquent bien comprendre les enjeux et les besoins des femmes en situation d’itinérance, nous voyons peu, sinon pas, de progrès dans les services offerts pour répondre aux besoins des femmes. On ne peut prétendre à l’égalité des genres tant que l’ensemble des droits de l’ensemble des femmes ne sera respecté. C’est en appliquant l’analyse différenciée selon les sexes dans une approche intersectionnelle (ADS+) au moment de réfléchir les services en itinérance, notamment les critères et les conditions des financements, qu’on fera une réelle différence pour les femmes. Les impacts qu’auront les services déployés sur les femmes doivent être considérés en amont pour agir de manière efficace et non pas en aval pour minimiser les conséquences. Il est également urgent d’agir sur les divers facteurs de préventions : agir contre la violence faite aux femmes, offrir du logement social, mettre en place des mesures concrètes afin de lutter contre la pauvreté des femmes, lutter contre le racisme systémique, lutter contre la judiciarisation des femmes, etc.  

Femmes en situation d’itinérance ou à risque de l’être : femmes trans, travailleuses du sexe, femmes autochtones, femmes migrantes, femmes racisées, mères; on vous voit, on vous entend.