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Plan d’action interministériel 2021-2026 – Des principes forts et des manquements importants

Le 18 octobre 2021, Dr Lionel Carmant, ministre délégué à la santé et aux services sociaux, accompagné de la ministre déléguée aux Transports et ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, Chantal Rouleau, faisait l’annonce du nouveau Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026. Le RAPSIM était présent pour l’occasion et se réjouit de voir un plan d’action bien ancré dans notre Politique nationale de lutte à l’itinérance. On y trouve une réaffirmation de l’approche globale et communautaire, propre au Québec, et le refus de s’inscrire dans une approche unique. La mise de l’avant de la prévention, ainsi que la reconnaissance du besoin d’actions respectueuses du rythme et de la dignité des personnes, en offrant des services d’accompagnement adaptés, sont autant d’éléments essentiels qui jalonnent la vision de ce plan.

Ce plan est structuré autour de trois axes : la prévention, l’accompagnement et l’intersectorialité, qui se déclinent en 14 actions et 31 moyens. Il est guidé par 5 principes directeurs : lutter contre la stigmatisation; reconnaître la diversité des visages, des parcours et des réponses; accompagner et soutenir; renforcer la capacité d’agir des personnes concernées. Un budget de 280 millions sur 5 ans est annoncé pour soutenir ce plan. Selon nos calculs, cela représente un investissement 5 fois plus important que celui du précédent plan, ce qui est une hausse considérable. 

Le RAPSIM accueille positivement la reconnaissance des besoins spécifiques des femmes et des Premières Nations et des Inuits, en accordant des sommes dédiées. Malgré que ces montants ne soient pas assez significatifs pour répondre adéquatement à l’ampleur des besoins, il s’agit d’un pas dans la bonne direction. On note aussi les orientations pour le développement de ressources d’hébergement sécuritaires avec intervenant.es spécialisé.es pour les personnes qui consomment, ainsi que le rehaussement des fonds pour les écoles de la rue, qui constituent des besoins bien établis. 

Au niveau de la prévention, des gains ont été faits et on note dans ce plan une plus grande visibilisation de l’itinérance jeunesse, ce qui doit être souligné. Par contre, on remarque l’absence de prise en compte des réalités des jeunes ne provenant pas des centres jeunesse. La prévention devrait également se faire en amont plutôt que seulement au début des épisodes d’itinérance. À cet effet, nous vous invitons à prendre connaissance du communiqué de presse de la Coalition Jeunes + que nous appuyons. 

En contrepartie, nous nous désolons de voir le manque d’ambition au niveau des changements structurels, notamment concernant les actions en logement et en revenu, qui par ailleurs devraient aussi être considérées dans l’axe prévention. Annonçant des programmes de supplément au loyer (PSL) avec accompagnement, ce plan d’action ne présente aucune mesure en lien avec le logement social avec soutien communautaire, n’en faisant même pas mention. Ces orientations sont malheureusement en continuité avec les actions en logement prises jusqu’à maintenant par la CAQ. De voir que notre gouvernement décide d’investir principalement dans des mesures en logement dirigées vers le marché privé est d’autant plus inquiétant dans les circonstances de la crise du logement. 

Pour sa part, si l’action en revenu concerne l’amélioration de la situation économique des personnes en situation d’itinérance, les mesures mises en place ne vont pas en ce sens. Le plan mise plutôt sur la responsabilité personnelle de la gestion de son budget et propose de documenter les freins à l’accès des mesures financières, un travail qui a été largement effectué lors des travaux régionaux du dernier plan. Alors que cela relève complètement du niveau de compétence nationale, nous trouvons préoccupant que le plan d’action interministériel ne propose aucune action significative et structurelle au niveau du revenu.

En judiciarisation, le RAPSIM se réjouit que le programme PAJIC puisse se déployer à l’ensemble des cours municipales du Québec. Notons que celui-ci est déjà à l’œuvre à Montréal et est un programme apprécié. Ce n’est cependant pas une nouveauté pour notre région. On y retrouve aussi la promotion des équipes mixtes d’intervention psychosociale et de patrouilleurs de proximité. Si cette approche est préférable à une intervention policière traditionnelle, elle peut créer de la confusion auprès des populations concernées sur le rôle de la police et tend à créer un sentiment de méfiance des personnes en situation d’itinérance envers les travailleurs communautaires et de rue, ce qui rend leur travail et la création d’un lien de confiance plus ardus. Pour le RAPSIM, il aurait été préférable que le plan favorise et finance l’intervention communautaire plutôt que l’intervention policière en équipe mixte. Nous notons finalement l’absence de prise en considération d’éléments majeurs tels que le profilage racial et social, le droit d’occuper l’espace public, ce qui est une déception face à des enjeux majeurs et persistants.

Enfin, ce plan fait la promotion de l’intersectorialité, ce que salue le RAPSIM : le besoin de décloisonner les secteurs est criant, cela se fait notamment vivement ressentir dans le domaine du logement et de la santé, deux ministères qui communiquent difficilement. Nous suivrons donc avec intérêt le déploiement de cet axe. 

Le RAPSIM souligne ainsi les avancées dans la reconnaissance de la prévention, de l’accompagnement ainsi que la valorisation d’une action concertée. Ces clés sont en effet essentielles en itinérance. Les actions et les mesures du plan d’action interministériel en itinérance représentent des leviers pour obtenir davantage de financements pour tous les groupes communautaires en itinérance, dans le respect des besoins identifiés régionalement. Il sera nécessaire dans les cinq prochaines années de rappeler à tous les ministères impliqués dans ce plan les engagements pris cette semaine et de les éclairer sur les lacunes qui ressortent et qu’il faudra  combler dans les prochaines années.

L’analyse plus détaillée du plan se poursuit et le RAPSIM assurera un suivi de son déploiement, aussi bien au niveau des principes que de l’application des mesures.

Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026 en version intégrale : Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026 – S’allier devant l’itinérance (gouv.qc.ca)

Communiqué de presse du MSSS : S’allier devant l’itinérance – Près de 280 M$ pour la réalisation du plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026 (lelezard.com)

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