Chronique- 36e édition de la Nuit des sans-abri: plus de solidarité pour plus de dignité

Je sais que les derniers mois, les dernières années, ont été difficiles. D’ailleurs, ça se voit dans nos rues dès qu’on met le nez dehors. La détresse, nous l’avons en pleine face, sans filtre, sans vernis. C’est confrontant, dérangeant, insécurisant.

Ce soir, c’est la Nuit des sans-abri. Dans le contexte actuel, elle m’apparaît plus importante que jamais. C’est un moment pour mieux comprendre les réalités de l’itinérance, voir le travail des organismes communautaires, échanger, créer des ponts. Et ça, nous en avons bien besoin.

Empathie et tolérance

Je comprends bien l’inconfort et la peur que peuvent ressentir plusieurs lorsqu’ils croisent des personnes en situation d’itinérance dans l’espace public. C’est humain. Je comprends aussi le découragement et le sentiment d’impuissance face à une situation qui s’aggrave à vue d’œil et donne l’impression que rien n’est fait.

Mais face à cela, comment choisissons-nous d’agir, de réagir? Je propose la voie difficile: celle de l’humanisme, de l’empathie, de la tolérance.

Rappelons-nous les obstacles auxquels ces personnes font face pour répondre à leurs besoins de base: dormir, avoir accès à de l’eau potable, manger, se laver, faire ses besoins. Par exemple, le manque d’accès aux toilettes mène nécessairement à des «incivilités». Pas par choix, mais par absence d’option.

Rappelons-nous qu’au-delà de leurs comportements dérangeants ou de leur situation d’itinérance, ces personnes sont des êtres humains, avec des droits. Les réponses apportées doivent en tenir compte. Comment assurer plus de dignité et d’humanité aux personnes en situation d’itinérance?

Rappelons-nous que nous n’avons pas tous les mêmes parcours, les mêmes chances, les mêmes capacités. Pensons aux campements, cette stratégie de survie adoptée par plusieurs. Il est vrai que cela peut affecter la qualité de vie des riverains. Mais il est tout aussi vrai que ces personnes n’ont souvent nulle part où aller, pas d’accès à des toilettes, ni aux collectes d’ordures. N’oublions pas à quel point les conditions de vie diffèrent entre ceux qui ont un toit stable et ceux qui vivent dans la précarité. Comment choisirons-nous d’aborder cette réalité, individuellement et collectivement?

Comprendre

La Nuit des sans-abri est un bon point de départ pour mieux comprendre le phénomène, les causes, les trajectoires. Et aussi pour se rappeler que nous ne sommes pas seuls. Pas seuls à être indignés, pas seuls à vouloir du changement, des actions concrètes, ambitieuses, pour prévenir et réduire l’itinérance.

Dirigeons notre incompréhension et notre colère vers les bonnes instances. Et faisons preuve de plus de solidarité, pour plus de dignité.

Joannie Veilleux

Organisatrice communautaire au Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal